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Le brigadier Frédéric.

« Wilhelm, ferme donc la porte, » dit-il au garçon qui venait de nous faire entrer.

Le garçon obéit, et M. l’Oberfœrster recommença :

« Oui, vous avez de bonnes figures allemandes !… Quand je pense que vous avez été retenus tant d’années dans la servitude de cette race de fanfarons, j’en suis indigné. Mais grâce à l’Éternel et grâce aux armées de notre glorieux roi Guillaume, l’heure de la délivrance est arrivée, le règne de Sodome et de Gomorrhe est passé. On ne verra plus d’honnêtes pères de famille, de bons serviteurs remplissant avec exactitude et loyauté leurs devoirs, et conservant le bien de Sa Majesté, on ne verra plus de pareilles gens réduits à vivre avec cinq ou six cents francs d’appointements, tandis que des aventuriers, des violateurs de la loi, des joueurs, des êtres criblés de vices, s’adjugeaient à eux-mêmes des quarante millions par an, pour entretenir des danseuses, des cuisiniers, des flagorneurs, des mouchards, et pour déclarer la guerre à tort et à travers aux voisins pacifiques, sans raisons, sans prévoyance, sans armées, sans munitions et sans canons, comme de véritables im-