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Le brigadier Frédéric.

postes et vous ne serez jamais replacés. Vous êtes Allemands ! Les Français vous exploitaient et vous méprisaient ; ils vous appelaient têtes carrées ! Réfléchissez à tout cela ; c’est un conseil d’honnête homme que je vous donne, de frère allemand, de bon père de famille ! »

Il me regardait, pensant que j’allais dire quelque chose ; mais je serrais les lèvres et je sentais comme de petits coups de vent froid passer sur mon front.

Tous les camarades aussi gardaient le silence. À côté, derrière la porte, on touchait du piano, une femme chantait un petit air doux et mélancolique.

« Vingt-quatre heures, reprit-il en se levant, pas une minute de plus ! »

Et jetant sa serviette sur la table avec mauvaise humeur, il ajouta :

« Notez bien aussi que ceux qui veulent répondre non peuvent faire leurs paquets tout de suite, la grande route est pour eux. Nous ne garderons jamais des ennemis parmi nous, des êtres dangereux… Ce serait trop bête… Nous ne sommes pas des Français !… »