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Le brigadier Frédéric.

Là-dessus il entra dans la salle voisine, pendant que nous défilions par le vestibule.

Ce que l’Oberfœrster venait de nous déclarer à la fin, « que nous serions difficilement replacés en France, et que les Allemands nous forceraient de déguerpir sans miséricorde » était terrible, les plus courageux baissaient la tête.

Quelques-uns, tout pâles, eurent l’idée d’entrer au cabaret du Sapin, pour délibérer ; ils tenaient surtout à savoir mon opinion, mais je leur dis, en m’arrêtant devant la porte de l’auberge :

« À cette heure, camarades, économisons tous le peu d’argent que nous pouvons avoir ; cinq sous pour une chopine de vin sont toujours cinq sous ! Il va falloir déménager, et dans ces temps de malheur tout est cher ; les voyages coûtent, quand on emmène des femmes, des enfants et des vieillards. »

Le grand Kern voulait absolument savoir ce que je pensais ; plusieurs s’étant réunis autour de moi, je finis par leur dire :

« Écoutez !… Pour ce qui me regarde, je sais bien ce qu’il me convient de faire ; mais, dans des moments pareils, chacun doit rester libre,