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Le brigadier Frédéric.

ment. Puis il embrassa Marie-Rose, dit encore quelques paroles d’encouragement à la grand’mère et sortit. Je l’accompagnai sur le seuil, en lui serrant la main. La nuit était venue, il gelait à pierres fendre, le ciel étincelait d’étoiles. Quel temps pour quitter la baraque et chercher un autre asile !

En rentrant, je vis le pauvre Calas vider la marmite aux pommes de terre sur la table et poser les deux pots de lait caillé près du saladier, en nous regardant d’un air étonné ; personne ne bougeait.

« Assieds-toi, Calas, lui dis-je, mange seul ; personne de nous n’a faim, ce soir. »

Il s’assit donc et se mit à peler ses pommes de terre ; ayant tiré le fumier de l’écurie et donné le fourrage au bétail, sa tâche était remplie et sa conscience tranquille.

Heureux ceux qui ne prévoient pas le lendemain, et que l’Éternel gouverne seul, sans rois, sans empereurs et sans ministres… Ils n’ont pas le quart de nos chagrins !… L’écureuil, le lièvre, le renard, tous les animaux des bois et de la plaine reçoivent leur fourrure nouvelle à l’entrée de l’hiver ; les oiseaux du ciel reçoivent