Page:Erckmann-Chatrian - Le brigadier Frédéric, 1886.djvu/130

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

124
Le brigadier Frédéric.

mée. Rien ne bougeait ; je croyais être seul et j’allais appeler, quand j’aperçus Ykel, assis derrière le poêle, son bout de pipe noire à couvercle de cuivre entre les dents, et le gros bonnet de coton sur l’oreille ; il ne remuait pas, ayant eu quelques semaines avant une attaque de rhumatisme, qui lui venait de ses longues pêches à la main aux sources vives de la montagne et de ses pêches de nuit dans les brouillards, au flambeau.

Jamais la vallée n’avait eu de pêcheur pareil ; il vendait des écrevisses et des truites jusqu’aux grands hôtels de Strasbourg, Malheureusement tout se paye tôt ou tard, les rhumatismes étaient venus, et maintenant il pouvait songer aux bons endroits de la rivière, aux beaux coups de filet.

Dans le moment où je le découvris, ses petits yeux verts étaient déjà fixés sur moi.

« C’est vous, père Frédéric, dit-il ? Que venez-vous faire ici parmi les gueux qui nous dépouillent ? À votre place, moi, je resterais tranquille sous bois ; les loups ne sont pas d’aussi mauvais voisins.

— On ne fait pas ce qu’on veut, lui répondis-je. Est-ce que vos trois chambres en haut sont