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Le brigadier Frédéric.

mort depuis dix ans, et tous les anciens dont les os reposaient au cimetière de Dôsenheim. Cela me fait encore frémir quand j’y pense ; et les bonnes paroles de ma fille me reviennent avec attendrissement.

Le marteau allait son train ; les meubles, la petite glace près du lit de Catherine, — ma pauvre femme défunte, les portraits du grand-père et de la grand’mère, peints par Ricard, le même qui faisait les belles enseignes de la ville du temps de Charles X, les deux bénitiers et le vieux crucifix au fond de l’alcôve, la commode de Marie-Rose, et la grande armoire de noyer qui nous venait de l’arrière-grand-père Duchêne ; toutes ces vieilles choses, qui nous rappelaient les anciens, la bonne vie paisible, et qui depuis des années avaient leur place qu’on retrouvait à tâtons dans la nuit noire, tout se détachait ; c’était en quelque sorte notre existence qu’il fallait défaire de nos propres mains !

Et Ragot qui va et vient, tout étonné de ce remue-ménage ; Calas qui demande : « Qu’est-ce que nous avons donc fait, pour nous sauver comme des voleurs ?… » Et le reste… car je ne me souviens pas de tout, Georges ! Je voudrais