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Le brigadier Frédéric.

même avoir tout oublié, et n’avoir jamais commencé cette histoire, la honte du genre humain et l’humiliation de cette espèce de chrétiens, qui réduisent leurs semblables à la dernière misère, parce qu’ils ne veulent pas s’agenouiller devant leur orgueil.

Enfin, puisque nous y sommes, allons toujours.

Tout cela n’était encore rien !

C’est quand le grand Starck arriva, et que les meubles étant chargés sur sa voiture, il fallut dire enfin à la grand’mère de sortir de sa petite chambre, et que voyant dans l’allée cette désolation, elle tomba la face contre terre, en s’écriant :

« Frédéric !… Frédéric !… tuez-moi !… faites-moi mourir… mais ne m’emmenez pas !… Qu’on me laisse au moins dormir sous la neige, dans notre petit jardin ! »

C’est alors, Georges, que je souhaitai moi-même d’être mort… Je n’avais plus une goutte de sang dans les veines. Et maintenant, après quatre ans, je serais bien embarrassé de te dire comment la grand’mère se trouva placée dans la voiture, au milieu des paillasses et des mate-