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Le brigadier Frédéric.

brûleraient jusqu’à la consommation des siècles.

Cela nous aidait à passer le temps.

Un jour, Hulot nous amena son petit-fils Jean-Baptiste, un grand garçon de seize ans, en pantalon et veste de toile, les pieds nus, hiver comme été, dans ses gros souliers, les cheveux pendants en longues mèches jaunes sur la figure, et le sac de contrebande sur sa maigre échine. Ce garçon-là s’étant assis près de feu, nous raconta que du côté de Sarrebrück et de Lanuda les landwehr étaient furieux, qu’on les entendait crier dans tous les cabarets contre la République, cause de la continuation de la guerre depuis Sedan ; qu’on venait d’apprendre qu’une bataille près de Coulmiers vers Orléans, avait été livrée ; que les Allemands se sauvaient en déroute, et que l’armée de Frédéric-Charles courait à leur secours ; mais que nos jeunes gens allaient aussi rejoindre l’armée de la nation ; et que les hauptmann avaient établi 50 francs d’amende par jour, contre les parents de ceux qui s’échappaient du pays, ce qui ne l’empêcherait pas, lui, Jean-Baptiste, d’aller au secours de la patrie comme les camarades.