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Le brigadier Frédéric.

cendre à la buanderie, et la grand’mère est encore au lit.

— Ah ! bon… bon… » fit-il en posant son bâton derrière la porte.

Je devinais quelque chose à sa mine. Il se promenait de long en large, et tout à coup s’arrêtant, il me dit :

« Vous savez ce qui se passe du côté d’Orléans ? Vous savez que la débâcle des Allemands commence et qu’on appelle tous les hommes de bonne volonté. Qu’est-ce que vous pensez de ça ? »

J’étais devenu tout rouge, et je répondis un peu embarrassé :

« Oui, pour ceux qui sont là-bas, de l’autre côté de la Loire, c’est bon ; mais nous autres nous aurions du chemin à faire, et puis les Prussiens nous arrêteraient en route ; ils gardent tous les chemins, tous les sentiers.

— Bah ! dit-il, on les croit plus malins qu’ils ne le sont. Je parierais bien de passer les Vosges à leur barbe. Le grand Kern et Donadieu ont bien passé avec beaucoup d’autres ! »

Aussitôt je compris qu’il voulait partir, que c’était en quelque sorte décidé dans son esprit ;