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Le brigadier Frédéric.

rien dire à Marie-Rose, je pris mon bâton et je partis pour Felsberg.

Il ne pleuvait plus. Le soleil d’hiver brillait sur les bois ; et ce spectacle, en sortant de notre sombre recoin, me ranima. Comme le sentier au pied de la côte passait près de la maison forestière, découvrant le vieux toit au loin, j’en fus attendri. Tous mes souvenirs se réveillèrent ; l’idée me vint d’aller voir la maisonnette, de regarder à l’intérieur, en me dressant sur le banc du mur. Il me semblait que cela me ferait du bien, de revoir la vieille salle où les anciens étaient morts, où mes enfants étaient venus au monde ! Mes entrailles en frémissaient et j’allais d’un bon pas, quand, arrivant au petit pont en d’os d’âne, entre les saules couverts de givre, je restai tout saisi.

Un garde forestier allemand, son chapeau de feutre vert à plumes de coq sur l’oreille, la pipe de porcelaine à long tuyau dans ses grosses moustaches blondes, et les bras croisés au bord de la fenêtre ouverte, fumait tranquillement, l’air calme, heureux comme dans son propre nid. Il regardait, en souriant, deux enfants joufflus à tête blonde qui s’amusaient sur la porte ; et