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Le brigadier Frédéric.

son mauvais sourire de gueusard. C’était tout ce que je souhaitais, lorsque le docteur Semperlin parut sur la porte de la salle en me faisant signe de venir.

Je sortis aussitôt, après avoir payé ma chopine de vin, et nous nous mîmes en route pour le Graufthâl. Il tombait du grésil, les grosses ornières pleines d’eau frissonnaient. Le docteur Semperlin et moi nous marchâmes longtemps l’un derrière l’autre, en silence, ayant soin d’éviter les mares, où l’on pouvait s’enfoncer jusqu’aux genoux.

Plus loin, après avoir dépassé le Biechelberg, sur le terrain plus ferme de la Forêt, je me mis à raconter au docteur les offres que nous avait faites l’Oberfœrster, le refus de tous nos gardes, à l’exception de Jacob Hepp ; notre déménagement de la maison forestière et notre établissement chez Ykel, dans un coin froid de la pauvre auberge, sous les roches, où la grand’mère n’avait pas cessé de tousser depuis six semaines.

Il m’écoutait la tête penchée et finit par me répondre que c’était bien dur de quitter sa baraque, son champ, son pré, les arbres qu’on a plantés ; mais qu’on ne doit jamais reculer