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Le brigadier Frédéric.

grand bonheur aurait été de mourir tous ensemble le même jour.

La vieille maison, où je rentrais autrefois en riant de loin, rien que de voir ses petites très briller au soleil et sa petite cheminée entre les cimes des sapins, était alors triste, désolée. L’hiver nous parut bien long. Le feu qui pétille si joyeusement sur l’âtre, quand les fleurs blanches du givre couvrent les vitres et que le silence règne dans la vallée, ce feu, que je regardais souvent des demi-heures en fumant ma pipe, rêvant à mille choses qui me passaient par la tête, ne me donnait plus que de tristes pensées. Les bûches pleuraient ; le pauvre Ragot cherchait dans tous les coins, il montait, descendait, soufflait sous les portes ; Calas tressait des paniers en silence, les osiers en tas devant lui ; la grand’mère disait son chapelet ; et Marie-Rose, toute pâle et vêtue de noir, allant et venant dans la maison, veillait à tout, et faisait tout sans bruit, comme sa pauvre mère.

Moi, je ne disais rien ; quand la mort est entrée quelque part, toutes les plaintes que l’on peut faire sont en pure perte.

Oui, cet hiver fut long !