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Le brigadier Frédéric.

fond. Ils me demandèrent s’ils parlaient au nommé Frédéric, autrefois brigadier forestier du Thomenthâl. Je leur répondis que oui ; et l’un d’eux, ôtant ses gros gants pour fouiller dans sa sacoche, me remit une lettre que je lus aussitôt.

C’était un ordre du commandant de Phalsbourg d’évacuer le pays dans les vingt-quatre heures.

Tu comprends, Georges, quelle impression cela me fit ; je devins pâle et je demandai ce qui pouvait m’attirer une sommation aussi terrible.

« Cela ne nous regarde pas, me répondit l’un des gendarmes. Tâchez d’obéir, ou l’on prendra d’autres mesures. »

Là-dessus ils remontèrent à cheval ; et le père Ykel, seul avec moi, me voyant tout défait, tout saisi d’une pareille abomination, ne sachant lui-même quoi dire, ni quoi penser, s’écria :

« Au nom du ciel, Frédéric, qu’avez-vous fait ? Vous n’êtes pourtant pas un homme considérable, et dans notre pauvre village, on aurait dû vous oublier depuis longtemps. »

Je ne répondais rien, je ne me souvenais de