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Le brigadier Frédéric.

rien ; je ne songeais qu’à la désolation de ma fille et de la pauvre vieille grand’mère, lorsqu’elles apprendraient ce nouveau malheur.

Pourtant à la fin je me rappelai mes paroles imprudentes à la brasserie Vacheron, le jour de ma dispute avec Toubac ; et le père Ykel, au premier mot, me dit que tout venait de là, que Toubac m’avait dénoncé pour sûr ; qu’il ne me restait plus qu’un moyen, c’était de courir tout de suite supplier le commandant de m’accorder un peu de temps, en considération de la grand-mère, âgée de quatre-vingts ans passés, gravement malade, et qui mourrait immanquablement en route. Il fit venir aussitôt le maître d’école, et me donna, comme maire de la commune, une attestation en règle, touchant mes bons antécédents, la position malheureuse de la famille ; enfin il dit tout ce qu’on pouvait dire de plus touchant et de plus vrai dans une occasion pareille. Il me recommanda surtout d’aller trouver aussi M. Semperlin, pour confirmer son attestation par un certificat de maladie, pensant qu’ainsi le commandant se laisserait attendrir et voudrait bien attendre que la pauvre vieille fût en état de supporter le voyage.