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Le brigadier Frédéric.

Dans mon trouble, ne voyant pas autre chose à faire, je partis.

Marie-Rose ne savait rien, ni la grand’mère non plus ; je n’aurais pas eu le courage de leur annoncer le coup qui nous menaçait. Partir seul, me sauver loin des barbares qui nous précipitaient froidement dans toutes les misères, ne m’aurait rien fait ; mais les autres !… Ah ! je n’osais pas y penser !…

Avant midi, j’étais à Phalsbourg, dans un état de trouble épouvantable ; tous les meilleurs qui nous ont écrasés depuis défilaient devant mes yeux.

Je vis le docteur, qui déclara simplement dans son certificat, que la malade vieille, faible, et du reste dépourvue de toutes ressources, ne supporterait pas seulement deux heures de route sans mourir.

« Voilà ! dit-il en me remettant le papier, c’est l’exacte vérité. Je pourrais ajouter que votre départ la tuerait aussi, mais cela ne ferait rien au commandant ; si ceci ne le touche pas, le reste serait également inutile. »

Je me rendis donc à la commandature, établie dans l’ancien hôtel du gouvernement, rue du