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Le brigadier Frédéric.

me réveilla de ces rêves ; j’eus comme un frisson en pensant que le moment était venu de parler, de dire à ma fille, à la grand’mère, que j’étais banni, chassé du pays. Cela me produisait l’effet d’une condamnation à mort, qu’il aurait fallu prononcer moi-même contre ceux que j’aimais le plus au monde. Je ralentissais le pas pour ne pas arriver trop vite, quand levant les yeux, après avoir dépassé les premières baraques, j’aperçus Marie-Rose dans la petite allée sombre de l’auberge ; sa vue seule m’avertit qu’elle savait tout.

« Eh bien, mon père ? fit-elle à voix basse, sur le seuil.

— Eh bien, lui répondis-je en tâchant de me raffermir, il faut que je parte… Mais vous autres, vous pouvez rester… on vous donne la permission de rester. »

En même temps j’entendis la grand’mère gémir en haut dans son lit. Kettel, le matin, au moment de mon départ, était montée bien vite raconter le malheur à ma fille ; la pauvre vieille avait tout entendu.

La nouvelle courait déjà tout le hameau ; les gens autour de nous écoutaient ; et voyant que