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Le brigadier Frédéric.

Ig grand coup était porté, je dis à tous ceux qui voulaient l’entendre comment le commandant prussien m’avait reçu.

La foule des voisins et des voisines prêtait l’oreille autour de moi, sans murmurer une parole ; tous avaient peur d’éprouver le même sort.

La grand’mère, ayant reconnu ma voix, m’appelait :

« Frédéric !… Frédéric !… »

Rien que de l’entendre, la sueur me couvrait la face. Je montai, répondant :

« Me voilà, grand’mère, me voilà !… Mon Dieu, pourquoi tant gémir ! Ceci n’aura qu’un temps… Je reviendrai !… Maintenant on se méfie de moi… on a tort, grand’mère… mais les autres sont les plus forts !…

— Ah ! criait-elle, vous partez, Frédéric, vous partez comme le pauvre Jean… Je savais bien qu’il était parti pour se battre… Je savais tout… Je ne vous verrai plus ni l’un ni l’autre.

— Pourquoi, grand’mère, pourquoi ? Dans quelques semaines j’aurai la permission de rentrer… et Jean aussi reviendra après la guerre !…

— Je ne vous verrai plus ! » criait-elle.