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Le brigadier Frédéric.

Et ses sanglota redoublaient.

Les gens, curieux et même cruels dans leur curiosité, étaient montés l’un après l’autre ; nos trois petites chambres en étaient pleines ; ils ne respiraient pas, ils avaient ôté leurs sabots au bas de l’escalier ; ils voulaient tout voir, tout entendre ; mais alors, découvrant cette pauvre vieille dans l’ombre de ses grands rideaux gris, qui sanglotait en me tendant les bras, presque tous se dépêchèrent de redescendre et de se sauver chez eux. Il ne resta que le grand Starck, le père Ykel et sa fille Kettel.

« Grand’mère Anne, disait le père Ykel, ne vous faites donc pas des idées pareilles. Frédéric a raison… il faut être raisonnable… La paix faite, tout rentrera dans l’ordre. Vous êtes arrivée à quatre-vingt-trois ans et moi j’en ai près de soixante-dix… Qu’est-ce que cela fait ? J’espère bien revoir Jean, le père Frédéric, et tous ceux qui sont partis.

— Ah ! faisait-elle, j’ai trop souffert ; maintenant c’est fini ! »

Et jusqu’au soir elle ne cessa point de gémir. Marie-Rose, toujours courageuse, ouvrait les armoires et préparait mon paquet, car je n’avais