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Le brigadier Frédéric.

pas de temps à perdre ; le lendemain, il fallait être en route. Elle avait sorti mes habits et mes meilleures chemises sur la table, et me demandait à voix basse, pendant que la grand’mère continuait de pleurer :

« Tu prends ceci, mon père ? Et cela ? »

Je lui répondais :

« Fais comme tu penseras, mon enfant. Moi, je n’ai plus l’esprit à rien. Mets seulement mon uniforme dans le paquet, c’est le principal. »

Ykel, sachant que le moment pressait, nous dit de ne pas nous inquiéter du souper, que nous souperions avec eux ; nous acceptâmes.

Ce soir-là, Georges, à table on paria peu. Kettel, en haut, veillait la grand’mère. Et la nuit étant venue, mon paquet étant prêt, on se coucha de bonne heure.

Je ne dormis guère, tu peux me croire. Les plaintes de la grand’mère, et puis mes réflexions, l’incertitude de savoir où me rendre, le peu d’argent que je voulais garder pour le voyage, car il fallait laisser de quoi vivre à la maison, tout me tenait éveillé, malgré la fatigue et le chagrin qui m’accablaient. Et durant cette longue nuit, en me demandant où aller, quoi faire, quel chemin pren-