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Le brigadier Frédéric.

dre, à qui m’adresser pour gagner mon pain, en retournant ces idées cent fois dans ma tête, je finis par me rappeler mon ancien garde général, M. d’Arence, l’un des meilleurs hommes que j’aie connus, qui m’avait toujours aimé, et même protégé du temps que j’étais sous ses ordres, comme simple garde, bien des années avant. Je me rappelai qu’on le disait retiré à Saint-Dié, et j’espérai, si j’avais le bonheur de le trouver encore en vie, qu’il me recevrait bien et m’aiderait un peu dans le malheur. Cette idée me vint le matin ; je la trouvai bonne et je m’endormis alors une ou deux heures.

Mais au petit jour j’étais debout. Le moment terrible approchait ; à peine hors du lit, la grand’mère m’avait entendu et m’appelait.

Marie-Rose était aussi levée, elle avait préparé notre déjeuner pour le départ ; Ykel avait fait monter une bouteille de vin.

M’étant donc habillé, j’entrai dans la chambre de la grand’mère, tâchant de raffermir mon cœur, mais sachant bien que je ne la verrais plus.

Elle semblait plus calme, et me dit d’abord de m’approcher, en m’entourant le cou de ses deux bras et me disant :