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Le brigadier Frédéric.

« Vous êtes en règle jusqu’à présent, mais demain, au petit jour, vous devez être en route. »

Après cela, l’aubergiste osa me servir à manger ; et l’auberge étant occupée par les fonctionnaires prussiens, on me conduisit coucher à la grange, où je m’endormis sur une botte de paille. Il gelait dehors, mais la grange était près de l’étable, il y faisait chaud, je dormis bien à cause de la fatigue. Le sommeil, Georges, est la consolation des malheureux ; si j’avais à parler de la bonté de Dieu, je dirais qu’il nous appelle tous les jours quelques heures auprès de lui, pour nous faire oublier nos misères.

Le lendemain, une sorte de calme avait remplacé mon abattement ; je partis plus ferme, allongeant le pas à travers la plaine, pour gagner Rothau. L’idée de Jean Merlin me revint. Peut-être avait-il suivi la même route, c’était la plus courte. Quel bonheur si j’allais trouver en chemin de ses nouvelles et les envoyer, à Marie-Rose, quelle consolation dans notre malheur ! Mais il ne fallait pas l’espérer, tant d’autres depuis trois mois avaient grimpé de Rothau à Provenchères, des Français et des Allemands,