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Le brigadier Frédéric.

des étrangers dont personne ne voulait avoir gardé le souvenir !

J’y songeais pourtant ! Et tout en marchant d’un bon pas, j’admirais les belles forêts de ce pays de montagnes, les immenses sapins qui bordent la route et qui me rappelaient ceux du Fâlberg, près de Saverne : leur vue me touchait : c’étaient comme de vieux camarades, qui vous reconduisent encore quelques heures, avant les derniers adieux.

Enfin le mouvement, l’air vif du haut pays, le bon accueil des braves gens, l’espérance de retrouver mon ancien garde général d’Arence, et surtout la volonté de ne pas me laisser abattre, quand ma pauvre enfant et la grand’mère avaient encore si besoin de moi, tout cela me réveillait ; je m’écriais à chaque pas :

« Frédéric, du courage… tous les Français ne sont pas morts… à la fin peut-être les beaux jours reviendront… Ceux qui se désespèrent sont perdus ; les pauvres petits oiseaux que l’hiver chasse de leurs nids et qui s’en vont au loin chercher les graines et les insectes qui les font vivre, souffrent aussi, mais le printemps les ramène !… Cela doit te servir d’exemple… Encore