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Le brigadier Frédéric.

Elle me disait aussi que Starck s’était offert de la conduire sur sa charrette, par Sarrebourg, Lorquin, Raon-l’Étape ; que le voyage durerait bien trois jours, mais que nous pourrions nous embrasser vers la fin de la semaine.

Ainsi, la pauvre grand’mère avait cessé de souffrir ; elle reposait à côté de Catherine, sa fille, et du père Bruat, que j’avais tant aimés ! Je me dis qu’ils avaient tous eu plus de chance que moi ; qu’ils dormaient parmi les anciens, à l’ombre de nos montagnes.

L’idée de revoir ma fille me fit du bien. Je me représentai que nous ne serions plus seuls, que nous pourrions vivre sans grande dépense jusqu’à la fin de l’invasion ; et puis qu’au retour de Jean, lorsqu’il serait replacé quelque part, nous rebâtirions notre nid dans le fond d’un bois ; que j’aurais ma retraite ; et que malgré toutes nos misères, je finirais mes jours dans le calme et la paix, au milieu de mes petits-enfants.

Cela me paraissait naturel. Je me représentais que Dieu est juste, et que tout rentrerait bientôt dans l’ordre.

C’est le 5 janvier 1871 que Marie-Rose arriva.