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Le brigadier Frédéric.

rien ne vous manque ; mais dans le besoin, en pays étranger, c’est autre chose.

Nous vivions avec la plus grande économie. Marie-Rose veillait à notre petit ménage, et moi, souvent assis des heures auprès de la fenêtre, rêvant à ce qui s’était passé depuis quelques mois, à l’ordre abominable qui m’avait chassé de mon pays, l’indignation me prenait tout à coup, je levais les deux bras en poussant un cri sauvage.

Marie-Rose, elle, avait plus de calme ; notre humiliation, notre misère et les malheurs de la patrie la touchaient autant et peut-être plus que moi, mais elle me le cachait. Seulement, ce qu’elle ne pouvait pas me cacher, c’était ce mauvais rhume qui me donnait de l’inquiétude. Bien loin de diminuer comme je l’espérais, il augmentait pour ainsi dire de jour en jour. La nuit surtout, quand j’entendais au milieu du grand silence cette toux sèche, âpre et profonde, il me semblait que sa poitrine se déchirait : je m’asseyais sur mon lit et j’écoutais rempli d’épouvante.

Parfois, cependant, ce rhume horrible avait l’air de se calmer, Marie-Rose dormait bien ;