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Le brigadier Frédéric.

aussitôt je reprenais courage ; et songeant aux misères innombrables qui s’étendaient alors sur la France, à la grande famine de Paris, aux champs de bataille couverts de morts, aux ambulances encombrées de blessés, aux incendies, aux réquisitions, aux pillages, je me disais que nous étions encore les moins à plaindre, qu’il nous restait un peu de feu pour nous réchauffer, un peu de pain pour nous soutenir… Et puis, tant de choses incroyables arrivent à la guerre ! N’avions-nous pas autrefois vaincu toute l’Europe, ce qui ne nous avait pas empêchés d’être accablés à notre tour ! Les Allemands ne pourraient-ils pas éprouver le même sort ?… Tous les joueurs finissent par perdre !

Ces idées et bien d’autres semblables me roulaient dans la tête ; et c’est aussi ce que me disait Marie-Rose :

« Tout n’est pas fini, mon père, tout n’est pas fini !… J’ai fait un rêve la nuit dernière… J’ai vu Jean en uniforme de brigadier forestier ; nous aurons bientôt de bonnes nouvelles ! »

Hélas ! de bonnes nouvelles… Pauvre enfant !… Oui… oui… tu pouvais faire de beaux rêves ; tu pouvais voir Jean avec les galons de