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Le brigadier Frédéric.

tout à coup des cris et des chants retentirent au loin.

Marie-Rose écouta toute saisie ; moi, brusquement arrêté dans mes songes, je tressaillis comme un homme qu’on réveille : les Allemands se réjouissaient !!! un nouveau malheur venait d’arriver. C’est l’idée qui me frappa d’abord et je ne me trompais pas.

Bientôt des bandes de soldats traversèrent la rue bras dessus bras dessous, criant comme des aveugles. « Paris est rendu !… Vive la patrie allemande ! »

Je regardai Marie-Rose, elle était pâle comme une morte et me regardait aussi avec ses grands yeux brillants. Nous détournâmes nos regards l’un de l’autre, pour ne pas nous laisser voir l’émotion terrible que nous éprouvions. Elle sortit dans la cuisine, où je l’entendis pleurer.

C’était le dernier coup, Georges ; la branche qui nous soutenait encore en l’air venait de se casser.

Jusqu’à la nuit sombre, de nouvelles bandes, chantant et braillant, ne firent que passer ; moi, la tête penchée, j’entendais de temps en temps la toux de mon enfant éclater derrière la cloison