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Le brigadier Frédéric.

de la cuisine, et je m’abandonnais au désespoir.

Vers sept heures, Marie-Rose entra avec la lampe. Elle voulut dresser la table.

« C’est inutile, lui dis-je ; ne mets pas mon assiette… Je n’ai pas faim.

— Ni moi non plus, fît-elle.

— Eh bien, allons nous coucher… tâchons d’oublier nos misères… essayons de dormir ! »

Je m’étais levé ; nous nous embrassâmes en pleurant.

Cette nuit-là, Georges, fut horrible.

Malgré ses efforts pour étouffer le bruit de son rhume, j’entendis Marie-Rose tousser sans relâche jusqu’au matin, de sorte qu’il me fut impossible de fermer l’œil. Je résolus d’aller chercher un médecin ; mais je ne voulais pas effrayer ma fille, et songeant au moyen de lui parler de cela, vers le petit jour je m’endormis.

Il était bien huit heures lorsque je me réveillai ; m’étant habillé, j’appelai Marie-Rose. Elle ne répondit pas. Alors j’entrai dans sa chambre et je vis des taches de sang sur son oreiller ; son mouchoir aussi, qu’elle avait laissé sur la table de nuit, était tout rouge.