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Le brigadier Frédéric.

Cela me fit frémir !… Je retournai m’asseoir dans mon coin, pensant à ce que je venais de voir.

C’était jour de marché, Marie-Rose était allée faire nos petites provisions ; elle revint sur les neuf heures, tellement essoufflée, qu’il lui restait à peine la force de tenir son panier.

En la voyant entrer, je me rappelai ces figures pâles de jeunes filles, dont les pauvres gens de nos vallées disent que Dieu les appelle, et qui s’endorment tout doucement aux premières neiges. Cette idée me frappa, j’en eus peur ; mais ensuite raffermissant ma voix, je dis d’un air assez tranquille :

« Écoute, Marie-Rose, toute la nuit dernière je t’ai entendue tousser ; cela m’inquiète.

— Oh ! ce n’est rien, mon père, fit-elle en rougissant un peu, ce n’est rien, les beaux jours vont revenir, ce rhume passerai

— C’est égal, lui répondis-je, je ne serai pas tranquille tant qu’un médecin ne m’aura pas dit ce que c’est. Il faut absolument que je cherche un médecin »

Elle me regardait, les mains croisées sur son panier, au bord de la table ; et devinant peut-