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Le brigadier Frédéric.

— Je n’ai qu’elle » lui répondis-je.

Il était triste et pensif.

« Nous ferons notre possible, dit-il ; la jeunesse a tant de ressources ! Mais évitez les émotions. »

En marchant dans la rue, il me répétait les conseils de M. Scmperlin pour la grand’mère ; je ne répondais rien. Il me semblait que la terre s’ouvrait devant mes pas et me criait : « Des morts !… des morts !… Je veux des morts !… »

Et j’aurais voulu me coucher le premier, fermer les yeux et lui répondre : « Eh bien ! me voilà… prends-moi, et laisse les jeunes !… Laisse-les respirer quelques jours encore… Ils ne savent pas que vivre c’est un malheur horrible ; ils l’apprendront bientôt et partiront avec moins de regrets… Tu les auras tout de même !… »

Et, continuant à rêver ainsi, j’entrai chez le pharmacien, près du grand pont, qui me fit mon ordonnance.

Je retournai à la maison.

Marie-Rose prit deux cuillerées de la potion matin et soir, selon qu’il avait été prescrit. Cela