Page:Erckmann-Chatrian - Le brigadier Frédéric, 1886.djvu/257

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

251
Le brigadier Frédéric.

la jolie fille est malade. Ils sont seuls. C’est lui qui vient maintenant, »

Jamais aucune d’elles ne me vendit ses légumes trop cher.

Je ne songeais plus alors aux affaires du pays, je ne voulais que sauver ma fille ; les bruits d’élections, d’Assemblée nationale à Bordeaux ne me faisaient plus rien ; ma seule pensée était : « Pourvu que Marie-Rose vive !… »

Ainsi se passa la fin de janvier ; puis arriva le traité de paix : nous étions abandonnés !

Et de jour en jour les voisins recevaient des nouvelles de leurs fils, de leurs frères, de leurs amis, les uns prisonniers en Allemagne, les autres cantonnés à l’intérieur ; mais nous, pas un mot !

J’allais tous les matins voir à la poste si rien n’était arrivé. Un jour le chef de bureau me dit :

« Ah ! c’est vous… Le facteur vient de partir… il vous remettra une lettre. »

Alors, plein d’espérance, je courus à la maison ; comme j’arrivais sur le seuil, le facteur sortait de l’allée et me criait en riant :

— Dépêchez-vous, père Frédéric, cette fois