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Le brigadier Frédéric.

que je consens et qu’il ne reste plus qu’à chanter le Gloria in excelsis. Ha ! ha ! ha !… Et toi, tu peux rire aussi, tout a marché comme tu voulais… Tu resteras dans le pays jusqu’à la fin de ton existence ; tu verras les bois par ta fenêtre et tu sentiras la bonne odeur de la résine et de la mousse jusqu’à quatre-vingts ans. Voilà ce qu’il te fallait, sans parler du reste, des enfants, des petits-enfants, etc., etc. »

J’avais envie de danser, en descendant le chemin de la Frômûhle.

Il pouvait être alors six heures, la nuit approchait, avec la fraîcheur du soir ; les grenouilles commençaient leur musique au milieu des joncs et des hautes herbes de l’étang ; les vieux sapins, au revers de la côte, devenaient bleus dans le ciel plus sombre. Je m’arrêtais de temps en temps pour les regarder, et je pensais :

« Vous êtes de beaux arbres, bien droits et remplis de bonne sève ; aussi vous resterez encore là bien longtemps. Le soleil, réjouira vos cimes toujours vertes, jusqu’à ce qu’on vous marque pour la hache du bûcheron. Alors, ce sera la fin ; mais les petits sapins auront grandi à votre ombre, la place ne sera jamais vide. »