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Le brigadier Frédéric.

solument comme le capitaine Rondeau avait dit que les Prussiens faisaient chez nous, ajoutant que nous étions prêts, et qu’on n’attendait plus qu’une bonne occasion, pour empoigner la rive gauche du Rhin.

En entendant cela, mes gardes, assis autour de l’âtre, se mirent à trépigner de joie, comme si leur fortune avait été faite ; et presque aussitôt la porte se referma, nous n’entendîmes plus rien.

Moi, je sortis prendre l’air, car la bêtise du grand Kern, de Trompette et des autres me dégoûtait.

Il faisait très-froid dehors, la lune au-dessus des vieux sapins hérissés, regardait entre les nuages.

« Qu’est-ce que vous avez, brigadier ? me demanda Merlin, qui m’avait suivi, vous êtes tout pâle… Est-ce que vous vous sentez mal ?

— Oui, la bêtise de Trompette et des autres me bouleverse, lui répondis-je. Je voudrais bien savoir ce qui les fait trépigner. Et vous aussi, Merlin, vous m’étonnez ! Vous trouvez cela beau, d’envahir le pays de nos voisins ; d’empoigner le vin, le blé, le foin, la paille de pauvres gens qui