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Le brigadier Frédéric.

intérêt avions-nous à cela ? D’ailleurs tout le monde ne disait-il pas que le plébiscite avait été voté pour maintenir la paix ! Une idée pareille était donc bien loin de notre esprit, quand, un soir de juillet, le petit juif David, revenant d’acheter un veau à Dôsenheim, me dit en passant :

« Vous savez la grande nouvelle, brigadier ?

— Non. Qu’est-ce que c’est ?

— Eh bien, les gazettes de Paris racontent que l’empereur veut déclarer la guerre au roi de Prusse. »

Je ne pouvais pas le croire ; d’autant moins que le marchand de bois Schatner, revenu quelques jours avant de Sarrebrück, m’avait raconté que là-bas tout le pays fourmillait de troupes, cavalerie, infanterie, artillerie ; que les bourgeois eux-mêmes avaient chacun leur sac, leur fusil, leur équipement complet garni d’étiquettes et de numéros, bien en ordre sur des rayons, dans une grande baraque, et qu’au premier signe du hauptmann, ces gens n’auraient qu’à s’habiller, à recevoir des cartouches et à monter en chemin de fer, pour nous tomber sur le dos en masse. Nous autres, nous n’avions