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Le brigadier Frédéric.

rien du tout, ni dans nos villes, ni dans vos villages, de sorte que le simple bon sens me faisait penser qu’on n’allait pas déclarer la guerre à ces Allemands, avant de nous avoir mis en état de nous défendre.

Je levai donc les épaules, quand le juif vint me rapporter une chose aussi bête, et je lui dis :

« Est-ce que tu prends l’empereur pour un imbécile ? »

Mais lui s’en allait, tirant son veau par la corde, en disant :

« Attendez… attendez, brigadier ; vous verrez… ça ne durera pas longtemps. »

Tout ce qu’il pouvait me dire sur ce chapitre, ou rien du tout, revenait au même ; et Jean Merlin étant venu le soir, comme à l’ordinaire, causer avec nous, je n’eus pas même l’idée de lui en parler.

Malheureusement, huit ou dix jours après, la chose était devenue certaine ; on rappelait tous les congédiés, on disait même que les Bavarois avaient coupé des fils télégraphiques en Alsace, que des troupes innombrables passaient à Saverne, et que d’autres campaient à Niederbronn.