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Le brigadier Frédéric.

Tout à coup le bruit courut qu’on s’était battu du côté de Wissembourg, et le soir du même jour, des habitants de Neuwiller, se sauvant avec leurs meubles sur des voitures à Lutzelstein, racontèrent à la porte de la maison, sans vouloir entrer, que plusieurs de nos bataillons avaient été massacrés, que le général d’avant-garde était resté sur le terrain, que Wissembourg brûlait et que nos troupes se retiraient du côté de Bitche.

Ces bourgeois étaient comme effarés ; au lieu de continuer leur chemin vers la Petite-Pierre, l’idée leur vint tout à coup que cette place n’était pas assez forte, et malgré le détour de trois lieues qu’ils avaient fait, toute la bande, hommes et femmes, se mit à grimper la côte du Fâlberg, pour se sauver à Strasbourg.

Alors la désolation fut chez nous. Merlin et sa mère vinrent causer de ces mauvaises nouvelles à la maison. La grand’mère gémissait. Moi, je disais qu’il ne fallait pas se désoler, que jamais les Allemands n’oseraient se hasarder dans nos bois ; qu’ils ne connaissaient pas les chemins, et d’autres raisons pareilles, qui ne m’empêchaient pas d’être très-inquiet moi-même, car tout ce