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Le brigadier Frédéric.

comme le roulement lointain d’un orage ; puis ils s’affaiblissaient, et l’on n’entendait plus que le bruissement des feuilles, les jappements de Ragot devant la porte, le cri d’un canard dans les saules de la rivière. Ces voix de la solitude, lorsqu’on songeait à ce qui se passait derrière le rideau des forêts, avaient quelque chose d’extraordinaire.

J’aurais voulu courir sur les rochers, voir au moins ce qui se passait de l’autre côté, dans la plaine, mais l’ordre de commencer les abatis pouvait arriver d’une minute à l’autre, j’étais forcé de rester.

Cela dura jusqu’à trois heures de l’après-midi.

Je me promenais, tâchant de faire bonne mine, pour ne pas effrayer les femmes.

Cette journée du 6 août fut bien longue ; même aujourd’hui, que tant d’autres chagrins nous ont accablés, je n’y pense qu’avec un serrement de cœur.

Le plus terrible moment fut encore quand tout à coup ce bruit sourd, que nous entendions depuis le matin, cessa. Nous écoutions à la fenêtre du jardin, mais plus un souffle, plus un