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Le brigadier Frédéric.

Alors, souriant avec amertume, sa grosse chevelure brune ébouriffée, il s’écria :

« Oui… oui… nous sommes tous comme cela !… Le moment presse, la retraite continué par Bitche et Saverne, l’ennemi lance ses éclaireurs dans toutes les directions, et l’ordre ne vient pas !…

Je ne répondais rien, et lui, s’asseyant, s’écria :

« Au fait, pourquoi vous cacher la chose ? Le général de Failly m’a fait répondre que les abatis sont inutiles, que nous n’avons rien à faire. »

J’étais enraciné à ma place. Lui, s’était remis à marcher, les mains croisées sous les basques de sa redingote ; et comme il allait, venait, sans ajouter un mot, je lui demandai :

« Et maintenant, que faut-il faire, monsieur l’inspecteur ?

— Rester à son poste, comme de braves gens, dit-il ; je n’ai pas d’autres ordres à vous donner. »

Quelque chose m’étouffait, il le vit et me regardant d’un œil humide, il me tendit la main, en disant :