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Le brigadier Frédéric.

« Allons, père Frédéric, du courage !… C’est pourtant agréable de pouvoir se dire, la main sur le cœur ; je suis un brave homme !… Voilà, voilà notre récompense, à nous autres. »

Et je répondis tout attendri :

« Oui, monsieur l’inspecteur, oui, c’est tout ce qui nous reste ; celle-là ne nous manquera jamais. »

Il me fit l’honneur de me reconduire jusque dans l’allée, sur la porte de la rue ; et me serrant encore une fois la main, il s’écria :

« Du courage ! »

Alors je repartis, descendant la grande vallée. La pluie couvrait l’étang de la Fromühle, qui frissonnait tout gris entre les saules et les herbages desséchés.

Quant à te raconter les idées qui se suivaient dans ma tête, et combien de fois ma main passa sur ma figure, pour en essuyer les larmes et l’eau qui en découlaient, quant à te raconter cela, Georges, ce n’est pas dans mes moyens, il en faudrait un plus savant que moi ; je ne me sentais plus, je ne me reconnaissais plus, je me répétais dans le trouble :

« Pas d’ordres !… C’est inutile !… Le général