Page:Ernest-Charles - Le Théâtre des poètes, SLA.djvu/92

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Leconte de Lisle était plus justifié de « retoucher » l’œuvre d’Euripide en l’adaptant. Euripide, en effet, avait été un grand novateur et gardant les héros et les dieux de l’antique tragédie, il les avait fait descendre de l’Olympe sur la terre, il avait communiqué à tous des sentiments purement et simplement humains, et il avait dessiné des figures d’un réalisme, noble assurément, mais sincère et profond. Ainsi le sujet de Ion, dont Leconte de Lisle devait tirer scène par scène l’Apollonide, avait été fourni à Euripide par une vieille légende attique, d’après laquelle le père et l’éponyme de la race ionienne devait être rattaché au dieu Apollon. Ion était le fils d’Apollon et de Creuse : Hermès l’avait transporté, dès sa naissance, dans le temple de Delphes où il avait été voué au service du dieu. Créuse est devenue la femme de Xanthos, tous deux viennent consulter l’oracle. Xanthos est bientôt amené à croire que le jeune Ion est son fils. Il s’en réjouit. Mais Créuse est jalouse. Elle entreprend de faire périr cet étranger, cet intrus. Le crime est sur le point de s’accomplir lorsque Créuse et Ion se reconnaissent. Il était temps. Alors Athéna, au nom d’Apollon, atteste au jeune Ion qu’il est bien le fils d’Apollon et que Créuse est bien sa mère et elle lui annonce de grandes destinées. Euripide n’avait plus cette foi naïve qui transporte les dieux ou les montagnes. Il leur fait faire ce petit voyage, parce que les auteurs tragiques ont accoutumé de le leur faire faire. Mais il n’est pas très persuadé que les divinités interviennent aussi facilement dans les affaires humaines, il leur attribue un rôle tout extérieur. Il est le véritable inventeur du deus ex machinâ. Dans Ion, il étale librement son scepticisme mélancolique et souriant. Son œuvre est d’une bonne grâce exquise et d’une