Page:Ernest-Charles - Le Théâtre des poètes, SLA.djvu/94

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Voici l’homme ! Voici l’active sentinelle
Du seuil, celui qui m’est plus doux et plus sacré
Qu’au lointain voyageur ardemment altéré,
Le frais jaillissement de l’eau qui le convie !
Viens donc, ô maître ! orgueil d’Hellas et de ma vie,
Et foule fièrement, d’un pied victorieux.
Cette pourpre qui mène aux palais des aïeux !


Et les femmes de Clytemneslre étendent des tapis de pourpre devant Agamemnon. Mais celui-ci répond déjà avec une sorte de colère :


Pour toi, femme, ta bouche a parlé sans raison.
J’entrerai simplement dans la haute maison ;
Je veux être honoré, non comme un Dieu, non comme
Un roi barbare enflé d’orgueil, mais tel qu’un homme.
Sachant trop que l’envie aux regards irrités
Rôde dans lombre autour de nos félicités ;
Il convient d’être sage et maître de soi, femme !


Clytemnestre insiste parce qu’elle sait ce qu’elle veut :


Chère tête ! consens ! J’ai ce désir dans l’âme.
Puisque les jours mauvais ne sont plus, il m’est doux
D’honorer hautement et le maître et l’époux,
Et le vengeur d’Hellas. Roi des hommes, sans doute,
Cette pourpre t’est due et plaît aux dieux…


Alors Agamemnon réplique brutalement :


                                                            Écoute,
Femme ! garde en ton cœur ma parole : obéis !
L’âpre terre, le sol bien-aimé du pays
M’est un chemin plus sûr, plus somptueux, plus large.
J’ai, sans ployer le dos, porté la lourde charge