Page:Ernest-Charles - Le Théâtre des poètes, SLA.djvu/95

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Des jours et des travaux que les dieux m’ont commis
Et n’attends en retour rien que des cœurs amis,
Ni flatteuses clameurs, ni faces prosternées !


Ce roi des rois qui parle en fin de compte comme un ministre démocrate, se conduit avec sa femme comme un soudard grossier. Qui a pu faire supposer à Leconte de Lisle que les Grecs préhistoriques avaient avec leurs femmes cette injurieuse rudesse dont l’Iliade et l’Odyssée ne témoignent guère, et que les Clytemnestre pouvaient prendre avec les Agamemnon des attitudes humbles pour plaire au sultan, et être rampantes lorsque le maître les rebute ?… Est-ce là la vérité grecque ? Elle n’est pas pure et nue. Elle est composite et bariolée, si je peux dire, comme ces tapis que les femmes de Clytemnestre étendent sous les pas d’Agamemnon et qui ne sont pas de pourpre seulement, car ils ont tout l’air d’être des tapis d’Orient…

Corruption trop curieuse, trop orientale ou trop moderne de la légende grecque ! Trop moderne en vérité, et d’un modernisme un peu ingénu ! Leconte de Lisle constatant la force invincible qui jette les Atrides les uns contre les autres pour d’inexpiables meurtres, explique leurs crimes par l’atavisme, par l’hérédité. Clytemnestre dit bien pour s’excuser de ses impétuosités passionnées et sanglantes :


C’est l’Érinnys, enfant, sur ta race acharnée ;
C’est elle, le Démon ineffable et sans frein
Par qui ton père est mort sous la hache d’airain.
Elle a troublé mon cœur hélas ! longtemps austère
Elle m’a précipitée aux bras de l’aldutère
Ce n’est pas moi, c’est elle.