Page:Ernest Cœurderoy - Hurrah !!!.djvu/17

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intellectuel de ces temps. Dis ce que crois, arrive que pourra !

Oportet hæreses esse ; — Il faut qu’il y ait des paradoxes.


IV.   L’érudition ne fait pas défaut aux hommes de ce siècle....... au contraire ; mais le courage de l’opinion, mais une opinion. J’ai eu la constance de parcourir la plupart des livres bâclés sur la Russie, depuis l’ouverture des hostilités ; j’ai interrogé sur la question slave beaucoup de ces jeunes socialistes qu’on élevait pour être représentants du peuple dans le bon temps du parlottage officiel.

Eh bien ! cela est triste à dire, mais cela est vrai pourtant. Les hommes et les livres répètent les mêmes phrases d’usage, les mêmes lieux communs historiques, les mêmes citations : tous s’appuient sur les mêmes autorités considérables, et pas un ne veut conclure. Les livres sont des spéculations ; tout homme est menteur. Les économistes se plaignent de l’excès de la population ; moi, je désespère de rencontrer un seul caractère dans cette triomphale procession d’avocats, de boutiquiers, de littérateurs et de propriétaires faméliques qu’on est convenu d’appeler la très-illustre civilisation du dix-neuvième siècle. Jamais notre espèce bavarde ne fit plus déplorable usage de sa langue. Dans ce temps-ci, l’on ne peut guère juger de l’opinion d’un homme que par la position qu’il occupe. Le bourgeois pense pour vivre ; il ne vit pas pour penser.

Que les civilisés se reconnaissent dans ce cruel persiflage de Montesquieu : « Il y a encore des peuples sur la terre chez lesquels un singe passablement instruit pourrait vivre avec honneur ; il s’y trouverait à peu près à la portée des autres habitants. On ne lui trouverait pas l’esprit singulier ni le caractère bizarre ; il passerait comme un autre ; il serait même distingué par sa gentillesse. »