Page:Ernest Cœurderoy - Hurrah !!!.djvu/18

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


Nous sommes si grippe-sous, si mendiants, si resserrés entre les murs de nos propriétés et les planches de nos comptoirs ; nous sommes si peu libres d’avoir une idée, et il est si pénible d’être contraint à penser quelque chose ! Nous aimons mieux manger, manger et boire, boire et nous friser le poil au matin...... Le langage politique est devenu si flasque, les convictions si malléables, la conscience si caoutchouc, les allures si serviles, les caractères si piteux, les esprits si indifférents à tout ce qui ne se traduit point par un son métallique ! En vérité, les bourgeois craignent de se saluer d’une façon compromettante ! — La parole a été donnée à l’homme pour demander l’aumône : les mendiants sont les plus francs des civilisés.


V.   J’ai encore beaucoup trop lu pour faire ce livre ; je voudrais pouvoir oublier tous les renseignements que j’ai recueillis en y travaillant ; je m’assure que j’y gagnerais beaucoup en clarté et en précision. Fort de cette nouvelle expérience, je conseille plus que jamais aux jeunes écrivains de ne pas trop jouer avec les livres. Lire trop, c’est vouloir ne jamais rien nier et ne jamais rien affirmer. L’extrême érudition, comme la primitive ignorance, engendrent le Mutisme stupide ou le délirant Bavardage. Celui qui veut trop savoir s’annihile aussi bien que celui qui ne veut rien apprendre. De ce que l’usage habituel des poisons rend plus forts un Mithridate ou un Proudhon, il ne faudrait pas en conclure que les poisons fussent profitables à toutes les organisations humaines. Les intelligences diffèrent comme les tempéraments.

Parmi nous, occidentaux, la savanterie est devenue tellement endémique que nous ne saurions faire un article d’almanach sans remonter aux doctrines de Platon et sans nous appuyer les coudes sur des colonnes de chiffres. Que