Page:Ernest Cœurderoy - Hurrah !!!.djvu/19

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dirai-je donc des journaux ? Pour risquer, dans leurs colonnes, une opinion sur le passage du Pruth, il leur est indispensable de faire l’historique des Cosaques depuis Rurick, et surtout de ne pas se prononcer sur le passage du Pruth. Tout cela pour prouver à tout le monde qu’ils en savent là-dessus tout autant que tout le monde....

Ayez donc une opinion, soyez donc vous, et que les autres soient ce qu’ils voudront être. Vous serez toujours bien en n’imitant personne. Quand vous passez si souvent les yeux sur les feuillets des livres, toute cette vieille poussière ne vous aveugle-t-elle point ? N’usez-vous pas vos doigts ? Ne s’exhale-t-il pas de tout votre être je ne sais quelle odeur de Byzance, de philosophie de Sorbonne, de doctor mirabilis, de gagé de la Revue les Deux-Mondes, de philistin allemand, de pédagogue suisse, de litterary man  ? Ne vous faites-vous pas horreur et nausée ? Retrouvez-vous ensuite votre pensée neuve, agaçante, coquette, comme vous l’aviez laissée ? Vous provoque-t-elle encore à la coucher sur le papier blanc, comme la jeune fille sur les beaux draps de lin ? N’a-t-elle pas vieilli de tous ces siècles que vous lui avez fait traverser ?

Ah ! si votre cœur bondit, écrivez, pour Dieu, avec le sang de vos artères. Si votre cerveau travaille, écrivez avec la sueur de votre front. Si vous voyez clair tout d’abord, ne cherchez pas à voir encore mieux : le mieux est l’ennemi du bien. Si vous avez l’esprit primesautier, ne veuillez pas être savant. Si vous êtes pamphlétaire, n’essayez pas de contenter la foule.

« Soyez plutôt maçon, si c’est votre métier »

Ne faites pas de maîtresses pour satisfaire la mode ; ne faites pas d’écrits pour plaire au public. Car les modes, l’amour, la faveur et la fortune changent souvent. Car