Page:Ernest Cœurderoy - Hurrah !!!.djvu/22

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âme que l’autorité patriarcale ne serait plus. — Tremblez, tyrans du foyer : on vous a embrassés !

Moi aussi, j’ai eu foi en Dieu. Qu’en savais-je ? Ce qu’on m’en disait, le mot d’ordre de la vulgaire ignorance. Ne fallait-il pas que je réfléchisse sur cette gigantesque mystification, afin de pouvoir dire quelque jour ce que j’en pense ? Si tous les hommes avaient été pénétrés autant que moi par le néant, je jure qu’ils voudraient enfin posséder quelque chose de tangible. L’autorité et le mensonge sont poursuivis maintenant jusque dans le ciel... Gare dessus !

Moi aussi j’ai été modeste et timide, mais timide jusqu’à défaillir devant un bourgeois décoré ; je ne suis même pas encore bien guéri de cette névrose. Ne fallait-il pas que je fusse témoin de l’outrecuidance de cette valetaille pour me convaincre que l’indépendance ne sert de rien à l’homme en ce temps-ci, s’il n’y joint une sorte de fierté sauvage et la haine instinctive de tout ce qui est gluant. — Que les bourgeois cachent leurs rubans, les rubans rougis par le sang des morts de Juin. Car ces rubans se portent sur le cœur et servent de point de mire aux balles.

J’ai 29 ans. J’ai fort à faire pour racheter la première partie de ma vie par la seconde, pour compenser mes années d’esclavage par des années de révolte, pour verser sur toutes les plaies de mon humiliation le baume de mon orgueil. J’espère vivre assez cependant pour fournir à mes contemporains l’exemple d’un homme développant complètement les contradictions de sa nature, poussé vers de grandes luttes par le seul mobile de l’amour-propre, et mourant en affirmant, sur les jours de sa vie, l’omnipotence du Droit, la stérilité du Devoir, le jésuitisme de la Modestie, le majorat de l’individu et l’excellence des Passions.


VII.   Qu’on la taxe au prix que l’on voudra, je veux