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Page:Ernest Cœurderoy - Hurrah !!!.djvu/436

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La Révolution n’est pas mienne. Je ne veux pas la rapetisser à la durée de ma vie, à mon passage si rapide dans le temps, si peu noté dans l’espace. « Je ne suis pas de ceux qui disent : après moi la fin du monde. J’aspire de toute mon âme en l’éternelle transformation ; elle est prouvée. C’est pourquoi je suis passionnellement révolutionnaire.[1] »

Quand je vois tout ce qui m’entoure hostile à la Liberté, à la Vérité, à la Justice ; quand je vois l’infinie Poésie et l’infini Bonheur délaissés pour des jouissances dégradantes et banales, alors, je l’avoue, j’éprouve une suprême joie à m’enfoncer dans les mystérieuses solitudes de la vie future.

Que les Rrrévolutionnaires vigoureux traitent d’utopies ces espérances d’outre-tombe ; elles supportent mieux la discussion scientifique que les hypothèses cancanières de leurs journaux quotidiens.

Quant à moi, je souffrirais mille morts si ces convictions m’étaient arrachées. Car je ne puis croire que la Révolution sociale accomplisse jamais son œuvre immense au milieu de nos sociétés décrépites, divisées par des intérêts et des partis menteurs, tout-puissants pour le mal.

Non ! je ne puis me figurer, comme les profonds politiques de la Démocratie, que la Révolution soit jamais enfantée par une fausse couche de madame Bonaparte, ou qu’elle pénètre en contrebande dans les murs de Paris avec les déclamations chauvines des proscrits de Londres.

Les profonds calculs diplomatiques du Bonapartisme et de la Démagogie n’ont jamais parlé ni à ma raison ni à mon cœur. Et l’enthousiasme simulé par l’intrigue n’a jamais fait naître en moi que tristesse et dégoût !

Telles sont cependant les suprêmes espérances des nations civilisées : des despotismes sans forces, des opposi-

  1. Ernest Cœurderoy. Trois lettres au journal l’Homme.