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BIOGRAPHIE ET CORRESPONDANCE

De 1584 à 1588, Charles de l’Escluse continua à résider à Vienne, probablement dans une situation peu agréable. S’il était mal vu à la Cour de l’Empereur, il conservait cependant d’aimables relations avec plusieurs personnages de cette Cour, lesquels lui procuraient des graines ou des bulbes de plantes rares qu’il cultivait dans son petit jardin (hortulus), avec les plantes vivantes qu’il rapportait de ses excursions dans la campagne ou sur les montagnes dont il faisait l’ascension. Ses biographes n’ont pas relaté ce goût qu’avait Charles de l’Escluse pour la culture des plantes, qu’il avait déjà manifesté dans les Flandres, et en particulier à Malines, chez Dodoens, « qui dit-il, faisait dessiner, d’après des échantillons vivants, telle ou telle plante de notre jardin ». Mais ce désir d’observer le développement des espèces vivantes pour les mieux décrire et les faire mieux dessiner, lui permit de cultiver certaines plantes nouvelles dont on lui doit l’introduction sur le Continent européen. Et ce n’est pas là l’un de ses moindres titres à la reconnaissance de la postérité.

C’est en premier lieu la Pomme de terre[1] qu’il cultiva d’abord à Vienne, en Autriche, puis à Francfort-sur-le-Mein, dans un autre petit jardin qu’il avait également près de cette ville, de 1589 à 1593. Il en distribua assez, de tubercules ou de graines pour constater qu’elle était devenue assez commune dans la plupart des jardins de l’Allemagne, tant elle est féconde ! Il en envoya même jusqu’à Padoue en Italie. Et nous avons pu établir que cette Pomme de terre de Clusius s’était répandue et maintenue seule sur le Continent européen, dans les jardins ou dans les champs, pendant plus de cent cinquante ans. Aussi pourrait-on se demander si, après la propagation par Charles de l’Escluse de cette Pomme de terre, le Continent européen ne s’était peu à peu habitué, pendant cette période d’un siècle et demi, à cultiver et à utiliser le précieux tubercule, qui a rendu de si grands services pendant les disettes, où nous en serions aujourd’hui au point de vue de la consommation de la Pomme de terre.

Vient ensuite le Roseau odorant (Acorus Calamus) qu’il connut en 1574 et qu’il cultiva ensuite dans son petit jardin, à Vienne, d’échantillons reçus de trois ambassadeurs de l’Empereur auprès du

  1. Voir à ce sujet notre Histoire de la Pomme de terre (1808).