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simples moyens d’emprunt en un temps où le prêt à intérêt était défendu ; elles se confondirent rapidement avec le cens primitif parce que dans la conception féodale il n’y avait pas de terre sans seigneur. C’est ce que firent valoir les nobles dans la réaction aristocratique de 1779, au moment où sous la menace de la propagande socialiste que nous avons décrite, fut entreprise la révision générale des terriers. À ce moment ceux qui cultivaient les terres en très grand nombre auxquelles une rente était attachée, sentirent qu’ils n’en étaient pas les seuls propriétaires et que la propriété en était commune entre eux et un suzerain quelconque, quelquefois fort éloigné. Il fallait que le droit changeât, pour que la vente fût définitive et l’appropriation complète.

L’abolition des droits féodaux qui fut réalisée par les décrets du mois d’août 1789 opéra ce changement. Ces décrets révélèrent un état de choses politique et social vraiment nouveau quoi qu’on en ait dit. La directe, c’est-à-dire le droit éminent que le roi prétendait avoir sur toutes les terres du royaume, la Nation par ses représentants l’exerçait dans sa plénitude et le socialisme d’Etat était l’instrument avec lequel les derniers vestiges du communisme du moyen-âge étaient effacés.

En effet, si la Constituante exigea le rachat des droits contractuels, elle abolit simplement les droits de suzeraineté qui n’étaient pas tous, tant s’en faut, purement honorifiques. Or les arguments par lesquels on essaya de démontrer l’illégitimité des censives qui depuis des siècles attestaient la communauté entre le seigneur et son tenancier, n’avaient aucune valeur historique ni théorique. En supposant que toute propriété féodale remontât à l’invasion, il eût fallu pour que la thèse des publicistes d’alors fût vraie, qu’il fût démontré que les terres conquises appartenaient aux ancêtres des paysans actuels,