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nominativement en toute propriété, démonstration impossible : la transmission de la tare provenant de la conquête dont on prétendait que la propriété des nobles était frappée, supposait l’hérédité, dans les familles roturières prétendues dépouillées, d’un droit défini qu’aucun titre ni juridique ni moral n’établissait. Affirmer d’autre part le droit de nature du travailleur sur la terre, c’était simplement dire qu’il entendait l’avoir à lui toute, parce que cela lui était agréable. La distinction ne tenait pas. Il fallait indemniser les nobles pour les deux sortes de revenus qu’on leur enlevait, ou les leur enlever de vive force à la fois. C’est ce qui arriva d’ailleurs. En fait, les indemnités promises aux propriétaires nobles ne furent jamais payées les seigneurs avaient essayé en 1779, lors de la révision des terriers, de faire passer les rentes foncières pour des redevances féodales ; les paysans les prirent au mot à la Révolution et sur tout le territoire il n’y eut plus en effet que des rentes féodales, c’est-à-dire des rentes qui tombaient sans rachat. Ils refusèrent de payer les unes et les autres. Pour les unes comme pour les autres l’expropriation est évidente. L’Etat la consacrait par la loi pour la féodalité dominante, il ne la consacrait pas moins par son silence et son refus de poursuites pour la féodalité contractante. Quand on dit que la Constituante a fondé la propriété individuelle, il ne faut pas oublier d’ajouter qu’elle a fondé la propriété des uns — la majorité il est vrai — aux dépens de la propriété des autres.

Il en fut de même des propriétés des corporations et en particulier de celles de l’Eglise.

Les corporations étaient les héritières fort amoindries des anciennes communes ou corps de métiers du moyenâge. Leur propriété collective, indépendante à l’origine, participant jadis comme celle des Parlements et des Universités de la souveraineté morcelée des temps féodaux,