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industries. La communauté des travaux suit la communauté des biens, puisque celle-ci entraîne la mise en commun des instruments du travail, quels qu’ils soient. Babeuf invoquait déjà en faveur de la socialisation des fruits du travail, cet argument si souvent repris, qu’aucune industrie ne peut s’exercer sans des emprunts faits à la société antérieure. « Les productions de l’industrie et du génie deviennent aussi la propriété de tous, le domaine de l’association entière, du moment même que les inventeurs et les travailleurs les ont fait éclore ; parce qu’elles ne sont qu’une compensation des précédentes inventions du génie et de l’industrie, dont ces inventeurs et ces travailleurs nouveaux ont profité dans la vie sociale et qui les ont aidés dans leurs découvertes[1]. » Seulement les raisons qui déterminaient nos réformateurs étaient des raisons morales, des raisons tirées du droit naturel. Avant tout l’égalité ! L’égalité dans les jouissances, mais aussi l’égalité dans les charges. Donc l’égalité dans les tâches. Il faut que l’Etat, pour rester dans les conditions du pacte social, exige de tous une participation égale aux efforts nécessités par la satisfaction des besoins communs. C’est une forme de la vertu, pour les législateurs de l’exiger et pour chaque citoyen de s’y soumettre. Le non-travaillant, l’oisif, est un corrompu et un criminel. Ces obligations de chaque citoyen vont jusqu’à la soumission aux ordres de la communauté dans la réglementation la plus minutieuse de toutes les tâches. La division du travail sera l’œuvre du gouvernement, de l’administration jusque dans ses ramifications les plus délicates[2].

Cette seconde face des conceptions de Babeuf reflète pour nous qui connaissons ce qui était alors l’avenir, des

  1. Défense, citation du numéro 35 du Tribun, p. 40.
  2. Buonarroti, t. I, p. 209.